À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars, le CFA des Universités a choisi de mettre en lumière des histoires inspirantes de jeunes apprenties. En cette ère moderne, où l’agilité et l’innovation sont les maîtres mots, l’idée que certains métiers soient exclusivement réservés aux hommes relève de l’archaïsme. Les femmes sont, et doivent être, des actrices à part entière du changement socioprofessionnel.
C’est dans cette perspective que le CFA a donné la parole à 13 apprenties de talent, évoluant avec succès dans des métiers traditionnellement considérés comme des métiers d’hommes. Leurs récits sont le reflet d’une réalité émergente où la diversité et l’égalité des sexes s’installent comme les piliers incontournables d’une société en évolution constante.
Qui mieux que nos apprenties pour vous en parler ?
En ce troisième jour de notre semaine dédiée aux droits des femmes, nous avons le plaisir de mettre en lumière deux étudiantes, Louise et Manon, qui ont choisi des chemins professionnels souvent considérés comme atypiques pour les femmes. À travers cette interview, elles nous partagent leurs parcours enrichissants dans le domaine de la logistique. Découvrons, ensemble, leurs récits qui illustrent la force et la détermination des femmes dans le monde du travail.
Question 1 : Pouvez-vous nous présenter votre parcours et ce qui vous a motivé à choisir votre formation ?
Louise : J’ai un parcours plutôt atypique, j’ai dû faire plusieurs essais dans les études supérieures avant de trouver ma voie.
J’ai commencé par faire un BAC STI2D avec la spécialité Innovation Technologique et Éco-Conception, ensuite, j’ai fait un DUT Packaging, Emballage et Conditionnement, j’ai bien aimé cette formation, mais je ne me voyais pas exercer une profession dans le packaging. À la suite de cette formation, j’ai fait deux ans de licence de droit, je n’ai pas du tout aimé le mode de fonctionnement de la fac, qui n’est pas adapté à mes besoins.
Après plusieurs recherches, j’ai trouvé la formation Management de la Logistique et du Transport. Ce qui m’a motivé à intégrer cette formation, c’est mon envie de résoudre des problématiques actuelles liées à la logistique et au transport. Le développement durable est au cœur de ma formation.
Manon : Je suis issue d’un baccalauréat général très scientifique (mathématiques – sciences de l’ingénieur – physique chimie), obtenu avec mention « très bien » et mention « classe européenne anglais ». Du fait de ces très bons résultats académiques, mes enseignants me poussaient vers des classes préparatoires scientifiques afin de tenter les concours aux grandes écoles d’ingénieur. Cependant, malgré mes capacités scolaires, je n’avais pas envie de me lancer dans une formation purement théorique. De plus, j’ai été quelque peu « dégoûtée » des sciences au lycée. Je me suis rendue compte pendant cette période, que ce n’était pas le domaine que j’avais vraiment envie d’étudier et dans lequel je me voyais travailler toute ma vie.
J’ai longtemps souhaité faire le BUT PEC (Packaging, Emballage et Conditionnement), mais l’aspect trop scientifique m’a fait dévier en terminale. Cependant, j’étais très attirée par la formule IUT, qui assemble du contenu théorique et professionnalisant, qui permet de s’insérer sur le marché du travail ou de poursuivre sur de plus longues études et surtout, qui peut se réaliser en alternance ! J’ai donc pris la liste de tous les BUT pour en trouver un qui me conviendrait mieux. Je suis tombée par hasard sur la formation Management de la Logistique et des Transports, avec beaucoup d’aprioris, je dois l’admettre.
Je me suis dit « Manon, qu’est-ce-que tu vas aller faire dans les camions et les cartons ? ». Mais malgré cette (fausse) idée, j’ai poussé la porte et j’ai découvert un monde tellement plus vaste ! Transport aérien, maritime, de voyageurs, achats, gestion de la production, import/export, gestion des flux… Qui plus est, très international et très dynamique, avec de nombreuses opportunités en sortie de diplôme ! J’ai poursuivi mes recherches, et je me suis lancée dans l’aventure !
J’ai réalisé ma première année de BUT MLT à Lyon, car j’avais envie de quitter mon perche natal et de prendre mon indépendance… Cependant, je suis revenue au bercail pour pouvoir réaliser mon alternance chez B.Braun, parce que j’étais fortement intéressée par l’industrie pharmaceutique. J’ai donc fait transférer mon dossier vers l’IUT de Chartres, et je suis en route pour obtenir mon Bachelor en cette fin d’année 2024 !
Question 2 : Quels défis avez-vous rencontrés en tant qu’apprenties femmes dans ce domaine et quelles sont les réussites qui ont marqué votre parcours ?
Louise : Je n’ai pas eu l’impression d’avoir rencontré des défis en tant qu’apprentie femmes qu’un homme n’aurait pas rencontrés. Dans mon entreprise actuelle, je ne ressens pas d’inégalité homme-femme dans mon travail.
Manon : J’ai eu la chance d’avoir un parcours sans embûche, et ce, malgré des expériences dans des entreprises très différentes. J’ai fait mon stage dans une entreprise logistique, avec un service 100 % masculin, et on ne m’a jamais traité différemment, moins fait confiance, confié moins de responsabilités parce que j’étais une femme. Chez B.Braun, mon service est bien différent car, 100 % féminin à l’exception de mon manager ! Et encore une fois, tout s’est bien passé pour moi, tant au niveau de l’intégration que de la confiance et des responsabilités qui me sont laissées.
Par mon parcours scolaire, avec la spécialité « sciences de l’ingénieur » j’ai été habituée à être avec peu de femmes, voire même la seule femme du groupe pendant une année complète. Travailler avec des hommes est donc une chose qui ne me dérange pas et ne me fait pas peur, car j’en ai l’habitude.
Je pense que les principaux défis que j’ai rencontrés dans mon domaine étaient plus liés à mon âge qu’à mon genre, car quand on est jeune, on peut avoir du mal à être prise au sérieux… En particulier par les gens qui sont depuis plusieurs années dans le même secteur et la même entreprise. Cependant, ma plus belle réussite est d’avoir obtenu un CDI au sein de mon entreprise d’alternance, à la sortie de mon bac +3, sur un poste de cadre en tant que « Chargée d’approvisionnements internationaux et de planification ». C’est la preuve que oui, quand on est une jeune femme, on peut obtenir un poste à responsabilités !
Question 3 : Avez-vous une anecdote sur des personnes de votre entourage personnel ou professionnel qui auraient été surprises de votre orientation professionnelle, ou aurait eu des aprioris sur le fait de voir une femme dans cette position ?
Louise : Lors d’un événement pour venir découvrir notre formation, il y avait pas mal de lycéennes venues se renseigner. Elles ont naturellement posé des questions sur le fait que nous n’étions pas beaucoup de femmes au sein de la promotion. Nous leur avons répondu que c’était une branche qui s’ouvrait aux femmes, qu’il n’y avait pas de « formation d’hommes » ou de femmes, seulement une formation qui nous intéresse. Nous les avons aussi encouragées à ne pas se laisser impressionner par les aprioris et à faire la formation qu’elles souhaitaient.
Manon : Une petite anecdote « sympathique » de mon stage de première année en entrepôt logistique. L’équipe était 100 % masculine, et lorsque mon responsable de stage m’a présenté, l’un des employés a dit : « Bah, dis donc, tu dois être vraiment spéciale pour que le chef te prenne en stage. D’habitude, il ne prend jamais de femme, il dit que c’est trop compliqué à manager ! ». Sur le coup, je ne savais pas trop comment le prendre, et depuis, j’en rigole, car tout s’est très bien passé !
Les principales anecdotes que j’ai aujourd’hui, ne concernent pas forcément mon genre, mais la méconnaissance de mon secteur d’activité. Lorsque je dis que je travaille au service Supply Chain, beaucoup de personnes me disent : « Mais vous faites quoi à la Supply ? Vous servez à quoi ? » Et ce, même dans mon entreprise, alors que nous sommes un service central qui intervient dans beaucoup d’étapes de la production.
Question 4 : Selon vous, qu’apporte le fait d’être une femme dans ce métier ?
Louise : Je dirais de l’écoute, et de l’empathie.
Manon : Je pense que cela apporte une gestion différente des choses, car dans mon domaine, ce qui prime avant tout, c’est d’avoir de la logique et du bon sens ! Donc, de ce point de vue, il n’y a pas de grandes différences entre les hommes et les femmes. Cependant, dans la gestion quotidienne, le management, la communication et les relations humaines, un homme et une femme n’auront pas forcément la même approche. Les hommes peuvent être plus directs, prendre moins de pincettes, aller droit au but sans forcément regarder ce qui se passe à côté. Tandis que les femmes sont plus « mains de fer dans un gant de velours », à toujours chercher le meilleur compromis pour arranger tout le monde. Cela est un vrai avantage dans mon secteur, car nous sommes en relation avec énormément de partenaires et prestataires, et tout ce que nous faisons ou ne faisons pas, impacte beaucoup de personnes.
Question 5 : En une phrase qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ? Qu’est-ce qui vous rend fière ?
Louise : Ce que j’aime le plus au sein de mon métier, c’est qu’un client reçoive sa commande sans encombre et qu’il soit content. Je suis fière quand un client est satisfait de notre service.
Manon : Ce qui me plaît le plus ? Facile, le contact humain, la dimension internationale, la diversité du métier et le fait que chaque journée soit différente, avec son lot d’imprévus à gérer ! Je suis fière de ce que je fais, car je me sens utile. Sans mon travail, on ne pourrait pas distribuer notre production aux clients par exemple !
Question 6 : Quelle est votre vision sur l’égalité homme-femme au travail ?
Louise : J’aimerais qu’elle soit réellement appliquée au sein de toutes les entreprises. Elle n’est malheureusement pas mise en place partout dans le monde du travail.
Manon : Je pense que dans le monde du travail, ce que l’on doit favoriser avant tout, ce sont les compétences, savoir-faire et savoir-être, et non le genre d’une personne. Pour faire fonctionner une entreprise du mieux possible, ce qu’il faut, ce sont des gens compétents. Que l’on soit homme ou femme, de mon point de vue, cela n’a pas d’importance, tant que l’on est en mesure de répondre aux exigences du poste, et surtout, de convaincre le recruteur de nos capacités. À titre personnel, je ne suis pas en faveur de la « parité parfaite » dans le monde du travail, car cela fait passer le genre avant les compétences d’une personne. Si à un entretien d’embauche, je suis face à un homme qui répond mieux aux caractéristiques du poste ou a plus d’expérience que moi, cela me paraît normal qu’il ait le poste ! Et ce n’est pas lié au fait que ce soit un homme et moi, une femme, il répond simplement mieux au profil recherché ! Cela me peinerait beaucoup d’être recrutée uniquement parce que je suis une femme, et donc pour répondre à un objectif de parité…
Plutôt que de mettre les hommes et les femmes en concurrence, essayons simplement de les visualiser en tant qu’humains complémentaires, avec des qualités, des défauts, des capacités, des émotions, une personnalité, des compétences… Plutôt que de les réduire simplement à leur genre !
Question 7 : Y a-t-il des femmes qui vous inspirent dans votre domaine, et quel conseil donnerez-vous à d’autres femmes qui envisagent une carrière similaire ?
Louise : Ma responsable, qui a réussi à faire sa place dans un monde d’homme, elle est leur égal et ils le savent et la respectent.
Je leur dirais de ne pas se laisser impressionner par les personnes qui disent que les femmes n’ont pas leur place dans la logistique et le transport. Nous avons notre place dans toutes les carrières.
Manon : J’ai été énormément inspirée par deux femmes, que j’ai rencontrées pendant mes trois ans d’études : Madame Morgane Talbot, à l’IUT Lumière Lyon 2, et Madame Virginie Martin à l’IUT de Chartres.
Pourquoi m’inspirent-elles ? Déjà par leur parcours d’études, brillant, et réalisé dans certaines des meilleures écoles et formations du secteur, respectivement l’ISEL du Havre et l’ISLI de Kedge Bordeaux, et leur connaissance de leur domaine d’expertise. De plus, ces femmes arrivent à tout allier : travail sur des postes à responsabilités, cours à l’IUT et suivi des étudiants, engagements et vie de famille. Elles ont toujours été de bon conseil, prêtes à nous écouter et à échanger avec nous. Tout en nous apportant leur vision et point de vue toujours bienveillant. Si un jour, je parviens à réaliser ne serait-ce que la moitié de ce qu’elles font, je pourrais dire que je suis fière de ce que j’ai accompli !
Si je devais prodiguer un seul conseil aux autres femmes, et même à tous les jeunes : tentez ! Cela peut paraître bateau, mais il n’y a que celui qui ne tente pas qui est sûr de ne pas y arriver ! Dans la vie, il faut avoir un peu de culot, être sûr de sa volonté et y aller. C’est ce que j’ai fait lorsque j’ai postulé pour un poste de cadre dans mon entreprise d’alternance. L’annonce mentionnait rechercher un profil bac+5 avec à minima cinq ans d’expériences… Je n’avais ni l’un ni l’autre, mais j’étais sûre de pouvoir relever le défi. Alors j’ai tenté ! Dans le pire des cas, j’étais refusée…Et dans le meilleur des cas, j’avais une super opportunité à la sortie de mon Bachelor. Et j’ai décroché, cette belle opportunité !
Alors, tentez ! N’ayez pas peur de vous prendre des refus. N’ayez pas peur de vous tromper. Si un domaine d’études ou un poste vous intéresse, foncez ! Si au bout d’un moment, vous vous rendez compte que ce n’est pas fait pour vous, vous pourrez vous réorienter ou changer d’entreprise. Mais surtout, vivez sans regret et sans peur, surtout de ce que peuvent dire les autres. Ce n’est pas l’opinion des autres qui compte, mais celle que vous avez de vous-même.
Les témoignages de Louise et Manon soulignent parfaitement le fait que les femmes ont toute leur place et leur légitimité dans des secteurs tels que celui de la logistique. Ainsi, grâce à nos deux apprenties, nous comprenons que la contribution des femmes est indispensable à la diversité et à la richesse du monde du travail. Puissent ces récits encourager et inspirer les générations futures de femmes à poursuivre leurs ambitions professionnelles sans limite ni préjugé.